S’il est souvent question des achats dans le domaine de l’immobilier, il est bien moins mis en lumière les difficultés liées à la location. Ce secteur est pourtant celui de bien des abus que ce soit dans le cas d’un appartement ou d’une surface commerciale. Sans véritable législation encadrant ce domaine, les dérives sont nombreuses, même si sans cet encadrement juridique elles ne sont pas considérées comme illégales.
Il y a tout d’abord les migrants qui par leur statut ne peuvent accéder à la propriété, celle-ci étant réservée aux seuls résidents ayant un hukou(livret de famille) local. Pour eux, c’est l’obligation de loger soit dans des espaces réduits et parfois insalubres, soit de payer le prix fort pour des logements décents. Même les villes ou agglomérations rurales construisant des logements sociaux en vue de leur location les réservent aux seuls habitants pouvant prouver leur origine locale. Obtenir un changement de résidence est complexe et de plus coûteux, les demandeurs devant « remercier » chaque responsable des étapes de ce long parcours, ce qui limite d’autant les espérances.
La crise de 2008 a refoulé vers leurs lieux de naissance de nombreux de ces migrants qui, se trouvant sans emploi, ne peuvent que créer leurs propres activités. Là, ce sont des petits boulots plus ou moins rentables qui vont assurer la survie quotidienne, sans pour cela permettre de louer un appartement digne de cette appellation. Dans ces lieux, la notion de confort fait partie du superflu en n’étant souvent que des abris. Si le couple a une petite ambition et parvient à économiser un peu d’argent, il loue alors une de ces échoppes dont la surface est souvent celle d’un couloir, mais dont le prix de location équivaut à des années de travail.
Une bonne partie de cette somme est empruntée à la famille et à des amis. Le loyer étant payé pour l’année et d’avance, il ne reste plus à ces commerçants improvisés qu’à travailler 18 heures par jour non pas pour mieux vivre, mais pour rembourser les sommes empruntées. Pour nombre d’entre eux, l’expérience se terminera après la première année, les bénéfices étant loin de permettre la poursuite d’une activité dans un secteur très concurrentiel et souvent mal évalué. La famille n’a alors d’autre choix que de repartir d’où elle vient, c’est-à-dire les zones industrielles de Guangzhou d’ailleurs.
Ne pas naître au bon endroit, dans la bonne famille se révèle être encore de nos jours un véritable boulet qui va être traîné durant une vie entière. Les chances de s’extraire de cette situation sont extrêmement minces et passent par des circuits menant souvent à la prison, voire à la mort. Vol, trafic de stupéfiants, appartenance à une des mafias locales sont en effet les seules promotions à attendre. Ce système, tout en prônant l’unité nationale derrière une bannière, applique une forme de ségrégation non pas raciale, mais régionale qui a pour effet de créer une population de seconde zone.
S’il y a quelques mois, le premier ministre chinois avait envisagé une réforme du droit de résidence, celle-ci semble se heurter à des intérêts bien plus forts que la simple volonté politique si elle existe réellement. Ce principe d’une Chine, deux systèmes est en effet avant tout celui certes d’une Chine, mais d’une population à plusieurs vitesses. Ce principe de base est directement lié au cap économique pris avec les réformes des années 80 qui ont pour but de faire de la Chine un pays avant tout rentable. Cette rentabilité, en plus de se faire au détriment d’une bonne partie de la population, ne fait qu’engraisser un petit nombre de nantis profitant à plein du sens de l’orientation initiée par Deng Xiaoping. Un fruit à l’aspect extérieur prometteur, mais une chair meurtrie par des décennies de manipulations hasardeuses, tel est la réalité d’un pays qui a bien du mal à changer malgré des apparences parfois trompeuses. Certains trouveront cet article négatif, mais relater ce qui est n’est il pas déjà un début de changement, d’autant plus que les aspects décrits sont loin de généraliser une vision de ce pays de manière globale ?