De la même manière que le taux de chômage, le déficit de la balance commerciale française est souvent attribué à la Chine. S’il est vrai que sur les 70 milliards d’euros de déficit un tiers est d’origine chinoise, cela ne signifie toutefois pas qu’il s’agit de produits chinois. Cette différence a beau être oubliée la plupart du temps, elle est pour une part importante dans de fréquents malentendus plus ou moins savamment entretenus.
Un Airbus fabriqué à Tianjin ou un iPad provenant de Foshan n’ont en effet rien de réellement chinois, la plupart ou la totalité de leurs éléments provenant de pays tiers. Il y a quelques mois la direction d’Airbus a par exemple précisé que les avions fabriqués en Chine bénéficiaient de l’assurance crédit européenne, ceux-ci étant assemblés en zone franche d’exportation, et sont donc considéré à juste titre comme étant exportés en Chine. Il en est de même pour un iPhone qui lorsqu’il quitte sa zone de fabrication devient taxable de la même manière qu’un produit importé. Bien qu’estampillés « Made in China » les bénéfices sont majoritairement réalisés par les entreprises concevant ses produits, le coût d’assemblage d’un iPad n’étant que de 2 dollars, ce qui est très éloigné du prix final. Il est souvent oublié que ces bénéfices sont en partie rapatriés vers les pays d’origine, ce qui contribue aux budgets des pays concernés. Si le Japon, Taiwan ou la Corée du Sud intégraient dans leurs échanges extérieurs les montants des produits expédiés vers la Chine pour y être seulement assemblés, l’excédent chinois serait bien moindre et la balance commerciale de ces pays sensiblement différents. Lorsque l’on sait ensuite que moins de la moitié des entreprises exportatrices sont gérées à 100 % par des Chinois, il est utile de relativiser la « nuisance économique » de la Chine.
De par les éléments décrits plus haut, la Chine est le premier exportateur mondial, ce que tout le monde ou presque sait. Ce qui est par contre moins mis en lumière est la seconde place de ce pays en tant qu’importateur, ce derrière les USA et devant l’Allemagne. Avec sa cinquième place dans les deux secteurs, la France n’est pas si mal placée, ce même si le montant de ses exportations suit de moins en moins celui des importations, ce qui diminue d’autant le taux de couverture (montant des exportations – montants des importations), et creuse par conséquent le déficit. Il faut toutefois noter que la facture énergétique pèse pour 44 % dans cet écart, l’Allemagne représentant à elle seule 17 % du déficit commercial de la France.
Ce sont en fait moins les importations en hausse que les exportations en baisse qui sont la cause de ce déficit. La faiblesse des économies occidentales, l’élévation du niveau de celles des pays émergents, dont en particulier la Chine, a visiblement changé le paysage de l’exportation, ce à quoi des pays comme la France ont bien du mal à s’adapter. Si l’Allemagne vend des machines-outils à la Chine, ce ne sont pas les quelques parfums ou cosmétiques ou produits viticoles qui peuvent nous remettre à niveau. Après être passé à côté du développement de l’informatique personnelle en tant que fabricants, c’est la montée en puissance de pays passant de fournisseurs à clients que nos experts et dirigeants politiques n’ont pas vu venir. Préférant d’abord en rire avant de pousser des cris d’horreur, ils sont pour une bonne part dans le déclin actuel, mais qui a débuté bien auparavant au nom d’un certain héritage et de ses certitudes associées.
C’est sans doute cette supériorité héritée qui a empêché nos politiques d’appliquer les mêmes règles fixées par la Chine, celles-ci se résumant à des investissements importants et la garantie d’un minimum de personnes employées dans les usines. En voulant jouer aux « Américains » (1er importateur mondial et seulement 3ème exportateur), certains ont ainsi pensé perpétuer le vieux système colonialiste où l’on se réserve les meilleures parts du gâteau en ne laissant que les miettes aux valets. Ces employés deviennent aujourd’hui les patrons, non pas en raison d’un quelconque héritage, mais par leur faculté à se remettre en question et à s’adapter à une situation ponctuelle. Il s’agit donc avant tout d’une décision, ou non-décision, politique, ce à quoi la Chine est totalement étrangère.
Dans le prochain article, il sera question de voir de plus près ce que rapportent en réalité les exportations chinoises, ce tant à certaines entreprises qu’à un état bien souvent hypocrite.