Encore à l’état de test dans certaines régions pilotes, les nouvelles règles de fiscalité des entreprises devraient s’étendre progressivement à tout le pays. A l’image de la France, premier pays initiateur de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) en 1954, la Chine va ainsi modifier en profondeur sa fiscalité et particulièrement celle concernant les entreprises. Le but est de remplacer l’actuel système basé sur le chiffre d’affaires brut par un prélèvement généralisé sur la plus value réalisée et ainsi alléger le fardeau fiscal considéré comme trop lourd pour les PME.
Avant la mise en application de cette réforme à tout le pays, il va toutefois falloir que les services administratifs en charge de ce secteur résolvent de nombreux problèmes, ce qui demandera plusieurs années. En dehors de la fixation des taux définitifs de ce prélèvement, prévu pour non pas s’ajouter à l’impôt sur le chiffre d’affaires mais à le remplacer, deux obstacles majeurs se dressent sur la route de cette profonde modification des règles fiscales.
La première barrière est celle des gouvernements locaux dont les recettes proviennent essentiellement de l’impôt direct sur les entreprises. Ce manque à gagner va donc devoir être contrebalancé par des rentrées équivalentes dont une part sera assurée par 25 % des recettes provenant de la TVA. Si mathématiquement les gouvernements locaux devraient s’y retrouver de par la multiplication des sources de revenus, la condition impérative est toutefois que les services fiscaux locaux jouent le jeu. Les trois quarts des recettes issues de la TVA entrant dans les caisses nationales, la tentation peut être en effet forte d’exonérer de cette taxe une partie des entreprises pour la remplacer par un prélèvement plus rentable localement. Pour parer à cette éventualité, l’administration prévoit de mettre en place un système d’impôt foncier dont les recettes reviendraient exclusivement aux gouvernements locaux. De très nombreuses entreprises étant de nos jours propriétaires de leurs locaux professionnels, cet impôt pourrait rapporter suffisamment pour gommer le manque à gagner provoqué par la baisse des prélèvements sur le chiffre d’affaires et même l’augmenter si cette mesure est appliquée de manière efficace.
Le deuxième problème soulevé par cette réforme est lié au comportement du contribuable chinois. La fraude fiscale étant en Chine un secteur particulièrement développé et la TVA basée sur la différence entre le prix de vente d’un produit et celui de son coût de production, le risque est de voir la réelle valeur ajoutée amputée de nombreux frais annexes justifiés par de fausses factures. Cette pratique étant déjà courante avec la saisie annuelle de tonnes de faux documents comptables, une généralisation de la TVA a de fortes chances de provoquer un regain d’intérêt pour cette activité.
Touchant à des pans entiers de l’économie, mais aussi aux mentalités, cette réforme de la fiscalité est sans doute un des plus grands chantiers dans lequel la Chine s’est engagée. Loin d’être financièrement aux abois, ce pays a toutefois le temps d’élaborer des directives pouvant définir avec précision les différents champs d’application pouvant dès lors satisfaire les différentes parties intervenantes. C’est également le temps qui peut à plus ou moins long terme modifier les mentalités des responsables d’entreprise. Bien plus que le cadre même de la réforme, cet aspect sera à n’en pas douter le plus délicat à résoudre pour la simple raison que son origine est humaine , ce qui implique de nombreux passages à risques avant que l’objectif final puisse être atteint.