Pourquoi ce titre ? Parce que cette affaire a la fâcheuse tendance de bégayer avec un dépôt de plainte prévu lundi, puis mardi, puis mercredi et qui devrait être enfin effectif aujourd’hui jeudi, à moins que … Ensuite parce que la presse n’ayant plus rien à dire sur le sujet passe en boucle ses articles issus de la même source justement sans sources réelles. Alors qu’il y a seulement quelques jours, le voisin allemand désignait la France comme le champion de l’espionnage industriel, cette affaire tombe à point nommé pour d’une part détourner l’attention de cette distinction peu honorifique, et d’autre part prouver l’alignement sans limites de certains médias dans la guerre économique qui oppose de manière naturelle les US et la Chine. Tel un serviteur zélé, certains médias se croient donc chargés de servir la soupe à des Américains obligés à une certaine discrétion pour raisons de déficit public.
On interviewe donc le patron d’EADS qui confirme que l’espionnage industriel existe en Chine, ce qui permet à ce pays de rejoindre les grandes nations expertes en ce domaine. À une époque ou à une autre, toutes les nations ont espionné celles les plus en avance sur un domaine précis, et il ne serait pas étonnant que TF1 nous ressorte les images du faux Concorde soviétique et de son crash, histoire de mettre en exergue la véracité d’un fait connu par tous.
Reste Renault et ses trois accusé qui ont réfuté toute implication dans cette affaire vaseuse. Comment en effet une officine privée s’est-elle si rapidement procuré les noms des supposés propriétaires de comptes en Suisse alors que ce pays est un des joyaux du secret bancaire ? Bien que non négligeables, les sommes annoncées paraissent ensuite bien faibles en rapport d’un service qui semble si crucial pour l’avenir de la filière électrique du constructeur français.
Vient ensuite une bizarrerie du calendrier qui vient là également à point nommé. C’est en effet dans quelques semaines que la firme au losange devait présenter ses premiers véhicules électriques en Chine, et ce, après que son associé Nissan ait développé des liens de collaboration avec les autorités chinoises (lire cet article). Or, après cette histoire il est probable que les Chinois y regarderont par deux fois avant de s’engager avec une société faisant tant de bruit autour de simples allégations des médias. On peut donc se demander si ce tintamarre n’a pas été voulu pour cacher autre chose, tel que par exemple un retard technique ou autre dans l’élaboration de ces véhicules.
Bien entendu, ni Renault, ni le gouvernement français ne donnent officiellement raison aux médias, mais ceux-ci étant depuis longtemps à la botte des lobbies financiers, il n’est par conséquent pas besoin de beaucoup les pousser pour jouer les « révélateurs » d’une affaire qui a pour but d’en cacher une autre. L’image d’un Renault transformé en Caliméro mal aimé ou convoité va de pair avec l’interdiction faite en 2009 au constructeur d’importer certains modèles, les raisons officielles de l’époque faisant état de malfaçons chroniques.
Dans cette histoire rendue volontairement trouble, seuls quelques initiés connaîtront un jour une vérité qui ne sera jamais rendue publique si elle ne va pas dans le sens désiré. Pour une partie de l’opinion publique, il restera cette image d’une Chine voleuse de secrets, ce qui en fait est bien plus gratifiant que de mettre sur la scène son incapacité à lutter dans la cour des grands ou à se débarrasser de ses vieilles manies de pleureuse hypocrite.