Alors que les restes du monde sont accaparés par les « testiculations » médiatico-politiques liées à l’affaire DSK, la Chine s’inquiète de son propre avenir. D’après plusieurs économistes locaux, il manquerait en effet plus de 100 millions d’employés dans le seul secteur des industries dédiées à l’exportation, ce chiffre étant à multiplier par 2 ou 3 sur l’en semble des activités.
Si le gouvernement a d’abord pensé à un phénomène temporaire et aisément résorbable, les responsables nationaux se rendent aujourd’hui compte que cette situation est durable. La principale « accusée » est la trop rapide croissance qui a entraîné des écarts de revenus conséquents faisant de la Chine une machine à 3 vitesses. Après la fierté d’avoir développé une classe moyenne importante alors que celle-ci était pratiquement inexistante il y a seulement quelques années, la Chine a oublié que sa richesse actuelle reposait sur l’exploitation de la classe sociale la moins aisée. Or, c’est cette classe qui demande à présent à rejoindre le gros du peloton, ce qui met en danger l’équilibre du pays.
Contrairement à ce que beaucoup de Chinois pensent, leur pays n’est pas aussi riche qu’il n’y paraît, la majeure partie des activités d’exportation consistant en l’assemblage de divers éléments fabriqués ailleurs que chez eux. Les marges bénéficiaires, bien qu’importantes de ces entreprises, ne peuvent dès lors absorber la totalité des hausses de salaire réclamées par ceux qui se considèrent souvent à juste titre comme les délaissés de la croissance.
La situation serait toute autre si la Chine était une terre d’innovation au même titre que les États-Unis ou de certains pays d’Europe, mais malgré les progrès enregistrés en la matière, ce pays reste dominé tant par les investissements que par les donneurs d’ordre étrangers. Augmenter notablement les salaires revient donc à faire perdre à la Chine un de ses très rares avantages qui est encore pour l’instant le coût peu élevé de sa main d’œuvre.
Un autre élément négatif est le niveau de surproduction dans certains secteurs dû en grande partie à des politiques régionales sans aucune commune mesure avec les besoins réels du pays. Cette offre bien trop importante en rapport de la demande a créé une concurrence sans limites, ce qui a pour effet de réduire d’autant les marges bénéficiaires et donc la possibilité de répondre aux demandes d’augmentation de salaire. Le seul curseur d’ajustement ayant été jusqu’à présent celui du coût de la main-d’œuvre, de très nombreuses entreprises se retrouvent sans cette possibilité de réglage et se voient contr
aintes de fermer la porte. Pour les salariés se retrouvant au chômage, ils préfèrent dans bien des cas se « débrouiller » par eux-mêmes que d’accepter des rémunérations leur permettant certes de vivre, mais sans pour cela atteindre le niveau de vie d’une classe moyenne devenue l’objectif absolu.
Si la situation est d’ores et déjà grave, elle n’est pas loin d’être désespérée tant les solutions sont peu nombreuses. Expliquer en effet à quelque 500 millions de Chinois qu’ils n’auront jamais la possibilité d’atteindre ce dont d’autres profitent sans toujours beaucoup d’efforts va devenir une tâche de plus en plus ardue. Faire comprendre à cette masse de population qu’ils doivent se sacrifier au nom de la grandeur de leur pays, mais aussi au bénéfice de quelques-uns ne sera pas chose aisée. Faire rêver tout un peuple en leur démontrant par A+B que la politique menée depuis trente ans vise à le sortir de siècles de misère est une chose. Expliquer à présent qu’en fait, seule une partie pourra bénéficier de ces avancées en est une autre qui aura sans doute bien du mal à passer.
La Chine pensait avoir le temps, mais cette notion a disparu au fur et à mesure que ceux bénéficiant de la croissance sont devenus plus nombreux et donc plus visibles pour ceux restés au bord du chemin. Il va donc falloir que le gouvernement chinois se montre très persuasif s’il ne veut pas voir réduire à néant trente ans d’évolution qui n’en a d’ailleurs peut-être pas été une.