Il y a certains articles qui m’agacent (peu), d’autres qui me font sourire (pas mal) et enfin certains qui me font franchement rire (comme celui-ci). Il est l’œuvre de Nouriel Roubini, présenté par Marianne2 comme l’un des rares analystes à avoir anticipé la crise financière de 2008. Ce « Monsieur Soleil de la finance a donc trouvé chez ce média de quoi s’étaler, Marianne2 étant spécialisé comme tant d’autres dans tout ce qui est antichinois. Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de parler de ce qui se passe dans un pays où il ne se passe justement rien, si ce ne sont les préparatifs de la campagne électorale où il ne manque plus que les candidatures de Chevalier et Laspales après que Nicolas Hulot-TF1 nous ait annoncé une « séquence émotion » pour 2012.
Mais revenons à notre Houdini de la finance qui pour l’occasion se nomme donc Nouriel Roubini. Pour lui, la Chine va connaître un grand déclin dès 2013, ce qui nous vaudra au moins le plaisir de ne plus le lire après cette date, ces experts ayant la faculté de disparaître après leurs grandes annonces, le temps de manger leur chapeau et de se faire oublier tels les meilleurs politiques. Pour cette personne, qui déclare tout de même deux fois en Chine ces derniers temps, ce qui peut faire croire à une connaissance certaine du sujet, la Chine c’est cela :
« C’est évident lorsqu’on voit des aéroports magnifiques, mais vides, des trains à grande vitesse (qui diminueront le besoin des 45 aéroports prévus) ultramodernes vides eux aussi, des autoroutes qui ne mènent nulle part, des milliers de nouveaux bâtiments officiels destinés au gouvernement central ou aux gouvernements provinciaux, des villes fantômes et des hauts fourneaux d’aluminium flambant neuf qui restent fermé pour éviter que les prix mondiaux ne plongent. »
Ce qui est certain, c’est que cet expert pourra sans trop de souci trouver un nouvel emploi après 2013. Le secteur de la photographie instantanée paraît être pour lui prometteur tant il semble doué pour les clichés destinés à faire plaisir, sortes de cadeaux à offrir aux lecteurs. Il est en effet amusant de constater que tous ces articles n’argumentent non pas en vantant la compétitivité ou la qualité des produits français, mais se basent sur l’espoir que le concurrent va se casser la figure, ce qui n’a que très rarement conduit à la moindre réussite ou redressement. Il s’agit donc d’un énième adepte du nivellement par le bas qui n’imagine pas un instant qu’un pays puisse évoluer, et surtout pas ceux qui semble figés sur des bases centenaires.
Que la Chine soit en surproduction, c’est possible, de la même manière que d’autres pays le sont. L’agriculture française est un bel exemple où il est courant de jeter des centaines de tonnes de pommes à la décharge, de faire des stocks européens de produits laitiers ou de donner des primes à la casse pour entretenir artificiellement les ventes dans ce secteur de l’automobile. Il faudrait ensuite que M. Nourini quitte un peu les abords des grandes villes pour constater que si les points qu’il cite existent, ils sont très loin d’être une généralité. En ce qui concerne l’immobilier, il apprendrait ainsi que très nombreux sont encore les Chinois à ne pas disposer d’un logement décent et qu’il vaut mieux disposer d’un stock d’habitations qu’être obligé de les construire à la va-vite comme nus l’avons fait il y n’y a que quelques décennies (vous savez ces barres jugées aujourd’hui comme inhumaines que l’on fait sauter devant les caméras en signe de progrès social). Il en est de même pour les véhicules où comme dit ici ce marché a encore un bel avenir sous réserve que lui aussi s’écarte des grandes métropoles.
Pour ce qui est des exportations, je n’ai rien lu de ce même expert au sujet de l’Allemagne qui a devancé la Chine durant des années et qui base encore une partie de son économie sur ce secteur. Si la hausse du PIB de la Chine repose il est vrai en partie sur les exportations, comme d’ailleurs tous les pays, la plupart des régions chinoises ne retirent que peu de bénéfices du commerce international. Si même les prédictions de M. Soleil venaient à se concrétiser, cela ne changerait guère les choses que pour un tiers du pays, soit celle qui est aujourd’hui la plus riche. Pour les autres, les retombées seraient quasi nulles, ne faisant retourner les populations de ces régions que quelques années en arrière. N’ayant aucun acquis social à défendre, cela se ferait sans doute de manière plus douce que lorsque les mines et autres quelques parcs industriels occidentaux ont fermé dans les années 70.
Les autoroutes citées sont pour certains calmes, mais ne vaut-il pas mieux les construire avant que le trafic routier ne soit trop important ? Il est vrai que dans un pays comme la France, nous en sommes encore à dévier des villes qui étaient il y a peu traversées par des routes surchargées par des milliers de voitures. Sans être expert, je trouve pour ma part plus intelligent de construire ces routes avant qu’après, et il en est de même pour les aéroports. La Chine ayant en effet passé commande de plusieurs centaines d’appareils, il serait très professionnel pour M. Roubini de faire pression pour annuler ces ventes du fait que lui sait qu’ils ne seront jamais utilisés.
En ce qui concerne les trains, la Chine n’est pas la France, ni la Turquie dont M. Roubini est originaire. A titre d’exemple, un trajet Pékin-Nanning de plus de 2500 km représente près de 30 heures de train et les Chinois seront très heureux de voir ce temps divisé par 3 ou 4 avec la mise en place des lignes rapides. Pour ce qui est des trains vides, Marianne2 peut par contre publier tout un dossier sur le sujet, et ce, sans quitter l’hexagone. Comme pour les avions, il serait honnête qu’Alstom mette fin à son partenariat avec la Chine puisque d’après M. Roubini les Chinois auront bien du mal à financer ces investissements.
Pour conclure, je préciserai que M. Roubini est un citoyen américain et qu’à ce titre il se doit à rendre certains services à son pays, dont Marianne2, n’étant qu’une des nombreuses chambres d’écho de ces tambours du raisonnement. Il faut donc relativiser ses déclarations qui n’ont pour objectif que de faire comprendre aux opinions publiques qu’en dehors des systèmes qu’elles connaissent rien ne peut les sauver, et sûrement pas un système hérité d’une idéologie combattue durant des décennies, même s’il ne reste plus grande chose de celle-ci.